«là-bas»

Synopsis :

Pour toujours ce sera « là-bas ».
Jamais elle ne pourra mettre un nom sur ce qui ne peut se nommer.
Au bout du voyage, dans le train qui l’y conduit Sylvie ne sait pas encore que Dieu sera mort.
Et de « là-bas » Elle ne reviendra jamais vraiment.
Ce serait y laisser Paulette pour toujours.
Et à cela, Sylvie ne peut s’y résoudre.
Bien plus tard, il suffira d’une photo dans un ancien journal archivé par le vieux Marcel.
Et ce qui n’avait jamais disparu a claqué.
Une déflagration.
Semblable à cette balle dans le vent et le froid de l’hiver de cette marche folle.
Rien n’y fera jamais, ni la solitude des montagnes dans les lointaines régions de l’Inde, ni les immensités des étendues de la Patagonie.

Il y aura cet homme entre Paris et Berlin.
Malgré tout, comme un leitmotiv Sylvie le répétera.
Je devais le faire.

Le mot de l'Auteur :

Pour toujours ce sera « là-bas ».
Jamais elle ne pourra mettre un nom sur ce qui ne peut se nommer.
Au bout du voyage, dans le train qui l’y conduit Sylvie ne sait pas encore que Dieu sera mort.
Et de « là-bas » Elle ne reviendra jamais vraiment.
Ce serait y laisser Paulette pour toujours.
Et à cela, Sylvie ne peut s’y résoudre.
Bien plus tard, il suffira d’une photo dans un ancien journal archivé par le vieux Marcel.
Et ce qui n’avait jamais disparu a claqué.
Une déflagration.
Semblable à cette balle dans le vent et le froid de l’hiver de cette marche folle.
Rien n’y fera jamais, ni la solitude des montagnes dans les lointaines régions de l’Inde, ni les immensités des étendues de la Patagonie.

Il y aura cet homme entre Paris et Berlin.
Malgré tout, comme un leitmotiv Sylvie le répétera.
Je devais le faire.

Lire un extrait :

Printemps 2012


Madame Lemarchand est passée devant sa table de toilette. L’un des rares meubles qu’elle emporte systématiquement lors de ses déménagements. Madame Lemarchand a beaucoup déménagé dans sa vie. Comme chaque matin, ce jour-là, elle s’assoit face au miroir. Elle caresse le marbre de ce meuble, témoin de tant d’années. Elle retrouve la fraîcheur que procure le contact de ce matériau sur la paume de sa main. Et cette sensation se diffuse lentement au travers de son corps.
La solennité des minutes qui s’écoulent ne change rien à l’affaire. Elle s’emploie comme chaque matin à paraître sous son plus beau jour. Elle ne sortira pas aujourd’hui.
Elle a programmé depuis des semaines.
Voilà plusieurs mois déjà, elle a placé toutes ses économies dans l’achat de cette maison. Elle la voulait suffisamment éloignée mais pas trop isolée.
Du monde, mais pas trop proche. Depuis son emménagement, les relations avec ses voisins s’installent harmonieusement. Des gens plus jeunes et une jeune femme en particulier, intriguée et attirée par cette mamie svelte et dynamique. Cette vieille dame qui porte beau, toujours soucieuse de son apparence. Un peu distante, presque froide aux premiers contacts. Et puis, après quelques rencontres, tellement aimable et avec tant de choses à raconter. Comme autant de cadeaux.
Madame Lemarchand a fêté ses quatre-vingt-cinq ans ces jours-ci. Installée sur sa terrasse, elle s’est régulièrement servie du champagne. Unique boisson alcoolisée qu’elle s’autorise depuis de nombreuses années.
Ce jour-là, les longues préparations, entreprises depuis bien longtemps, s’achèvent.
L’idée et la décision remontent à plus d’un an. La chose en elle-même lui paraissait banale. Pas sa réalisation. Comme tous les matins, la joie illumine le visage de Madame Lemarchand, une joie intime. Ce profond sentiment l’accompagne en permanence depuis des décennies. Rien n’estompe la satisfaction que son discret et évident sourire expose.
Bien sûr elle avait anticipé son affaire.
Penser à tous les aspects matériels, cela n’était pas son fort. Mais là, il fallait tout assurer. Les papiers l’insupportaient. Mais elle refusait de laisser à d’autres les tracasseries administratives à venir. Régler tout cela. Ce fut sans doute la première fois de sa vie. D’ailleurs, elle s’étonna de l’efficacité de ses démarches. Elle régla donc ce qui de tout temps ne représentait pour elle que papiers. Sa vie se trouvait bien éloignée de ces contingences. Tout cela comptait si peu. Mais elle mit les choses en ordre. La suite, c’est-à-dire ce qui importait, se trouvait précisément programmée. Il lui restait deux heures pour cela.
Face au miroir elle soigne son maquillage d’une dernière note de légèreté. Plus rien désormais ne viendra dérouler le fil du passé. Pas de souvenir. Pas de retour des vestiges des années d’épouvante, pas plus que de ce qui suivit. De longues décennies à traverser le monde. Un dernier courrier qu’elle avait posté la veille. Elle l’avait prévenue.
Deux heures pour goûter au temps qui s’écoulait.
Par sa grande fenêtre, le jour poursuivait son intrusion dans sa chambre. Elle avait choisi le printemps. Une saison clémente où la vie resurgit. Le vert qui de nouveau envahit les arbres. Les couleurs vives des fleurs. Il était encore temps de laisser ses yeux se remplir de toute cette beauté.
Elle refait son lit. Il l’accueillera dans la fraîcheur et la propreté. Elle vérifie de nouveau dans le tiroir de sa commode. L’essentiel s’y trouve. Elle évalue. Le temps devra être son allié.
Ni trop vite, ni trop lentement. Ne pas déranger inconsidérément. Elle ira d’abord à la cuisine, vaquera à ses occupations. Il lui restera alors peu temps. Elle connaît les contraintes et le déroulé du processus.
Depuis de nombreux jours, elle répète ce chemin dans sa tête. Elle s’alitera. Cela lui arrivait quelquefois au milieu de la matinée.
Elle sourit à ce souvenir.
C’est donc ainsi que les choses se passèrent.
Elle entendit le bruit venant de loin. Depuis quelques secondes il devenait de plus en plus envahissant. Les souvenirs d’Inde et des cérémonies au bord du Gange se mêlaient à cette odeur d’une autre vie qui ne l’avait jamais quittée. Car de « là-bas » jamais elle n’était revenue. Le bruit lancinant se rapprochait. Tout avait été parfaitement programmé. Elle qui ne s’était jamais préoccupée d’organiser quoi que ce soit.